« Nous nous dirigeons vers 41 000 morts civils à Gaza, c’est une question de temps, je le crains », a déclaré aujourd’hui à Bruxelles Sigrid Kaag, coordinatrice principale de l’ONU pour l’action humanitaire et la reconstruction à Gaza depuis janvier 2024. Après une réunion avec les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne (UE), elle a donné un point de presse dans les bureaux d’UNRIC.
« Nous savons que 2 millions de personnes cherchent à s’abriter dans une zone de 24 km carrés. La plupart d’entre elles ont été déplacées à plusieurs reprises au cours de cette période de 11 mois. L’ampleur des destructions, qu’il est très important que les journalistes internationaux puissent constater, et pas seulement les citoyens qui les rapportent depuis Gaza, est tout à fait incroyable si l’on y est confronté pour la première fois. 96 % des 2,1 millions d’habitants souffrent d’une grave insécurité alimentaire ».
De nationalité néerlandaise, Sigrid Kaag été la première vice-première ministre et la première femme ministre des finances du gouvernement néerlandais (2022-24). Elle a également occupé de nombreux postes à responsabilité au sein du système des Nations Unies de 1994 à 2017 au Moyen-Orient.
Une « coopération constructive » avec Israël
« L’objectif de ma mission est de travailler au plus haut niveau avec le gouvernement israélien », a déclaré Sigrid Kaag lors de sa présentation aux journalistes. « Je dois toujours souligner que la coopération d’Israël avec ma mission est bonne et constructive. Nous avons maintenant un accord au plus haut niveau pour lancer la campagne de vaccination contre la polio, espérons-le, ce samedi. »
« La résolution que je présente au nom du Conseil de sécurité est, d’une part, une résolution politique sur l’aide humanitaire et, d’autre part, une résolution très opérationnelle avec certains livrables. Je parle tout le temps avec les ministres des Affaires étrangères et avec mes homologues dans la région, mais la difficulté à laquelle les humanitaires sont confrontés en temps de guerre, en temps de conflit, est la capacité à distribuer, la nécessité d’une « déconfliction » efficace, comme on l’appelle (…).
Il s’agit d’une zone de guerre et toutes les parties doivent faire davantage. Il n’y a pas de substitut au respect du droit international humanitaire par toutes les parties ».
« Gaza ne doit pas être oubliée »
« Je n’ai pas d’histoire optimiste à raconter, a poursuivi Sigrid Kaag. C’est l’histoire d’une profonde inquiétude sur le sort des otages et son impact sur la société israélienne. La position des Nations Unies a toujours été de reconnaître la légitimité des préoccupations d’Israël en matière de sécurité et, en même temps, la nécessité, après cette crise, si et quand il y aura un cessez-le-feu, d’aborder et d’examiner l’horizon politique de la solution des deux États, avec un État palestinien viable et indépendant aux côtés d’un Israël sûr et sécurisé ».
« Mais il ne faut pas oublier Gaza. (…) Je crains que les gens ne s’habituent au fait qu’il y a un énorme problème, et il y a toujours un risque de détourner le regard et de se dire « oh bon, la vie continue ». Je considère qu‘il est du devoir des Nations Unies de continuer à braquer les projecteurs sur ce que la communauté internationale peut faire ».
Évacuer 12 000 blessés de Gaza pour les soigner
Parmi les sujets abordés par Sigrid Kaag à Bruxelles figure la planification du soutien financier de l’UE à la reconstruction de Gaza, même si « nous sommes très loin d’avoir une vision claire des arrangements politiques et sécuritaires ».
Elle a également évoqué à Bruxelles le sort de plus de 12 000 civils palestiniens « gravement touchés et blessés de guerre », qui doivent être immédiatement évacués de Gaza, où ils ne peuvent être soignés. « Il s’agit d’un geste de solidarité, et nous ne devrions pas seulement demander à l’Égypte, aux Émirats arabes unis ou au Qatar de prendre en charge les patients. L’Italie s’est proposée, ainsi qu’un certain nombre d’autres pays. C’est très bien, c’est humain et c’est faisable en pratique ».
« Il ne s’agit pas de compter les camions » qui entrent à Gaza
Selon le dernier rapport de situation de l’UNRWA, plusieurs obstacles entravent la collecte des fournitures humanitaires indispensables au point de passage de Karem Abu Salem (Kerem Shalom), dans le sud de la bande de Gaza. Il s’agit notamment de la détérioration de l’ordre public, de la guerre et de l’insécurité, des infrastructures endommagées, des pénuries de carburant et des restrictions d’accès.
Selon l’OCHA, entre le 1er et le 12 août 2024, seuls 76 camions humanitaires en moyenne sont entrés dans la bande de Gaza par jour. Ce chiffre est bien inférieur à la moyenne d’avant la crise, qui était de 500 camions d’aide humanitaire par jour ouvrable, sur un total de 1 000 camions, y compris les camions commerciaux.
Sigrid Kaag a jeté un nouvel éclairage sur ces chiffres, insistant sur l’importance d’autres points d’entrée pour acheminer les marchandises en provenance de Jordanie et pas seulement d’Israël.
« En raison de l’anarchie et des activités criminelles, même si les camions arrivent à Gaza, cela ne signifie pas que les marchandises sont reçues correctement. La seule mesure qui compte en fin de compte est de savoir si les gens ont effectivement reçu les marchandises. (…) Je crois fondamentalement que nous n’aurions jamais dû compter les camions. Je l’ai dit lors de mon premier briefing au Conseil de sécurité : nous devons examiner ce dont les gens ont besoin, il s’agit de questions de droits et d’obligations en vertu du droit humanitaire international. Les camions sont un moyen de transport, rien de plus ».
Quant à la principale chose dont les Palestiniens ont besoin à Gaza, Sigrid Kaag a déclaré qu’il s’agit de rien moins qu’un « cessez-le-feu, de la sûreté et de la sécurité ». « Il faut que cela cesse ».
LIENS UTILES
- Gaza menacée par la polio, une maladie dangereuse partiellement éradiquée
- L’ONU et la crise au Proche-Orient
- Aide humanitaire à Gaza : Sigrid Kaag recherche l’appui de l’Union européenne