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ActualitésRépression des militants écologistes : une menace pour la démocratie

Répression des militants écologistes : une menace pour la démocratie

Après avoir enquêté sur la répression des militants écologistes dans plusieurs pays d’Europe, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les défenseurs de l’environnement, Michel Forst, estime qu’il existe une menace majeure pour les droits humains et la démocratie.

« La répression que subissent actuellement en Europe les militants environnementaux qui ont recours à des actions pacifiques de désobéissance civile constitue une menace majeure pour la démocratie et les droits humains », écrit Michel Forst en exergue d’un document de position rendu public fin février.

jeudi 29 février, il a également rendu un rapport sur le « cas des écureuils », des militants écologistes occupant des arbres dans le Tarn pour protester contre un projet de construction d’autoroute.

Une triple crise environnementale indéniable

Michel Forst rappelle que le monde fait face à une triple crise environnementale – pollution, perte de la biodiversité, changement climatique, qui est largement documentée par la communauté scientifique. L’urgence à agir est connue et nombre de solutions ont été identifiées.

Si les États se sont engagés à limiter le réchauffement à 1,5 degrés, à restaurer 30% de tous les écosystèmes dégradés d’ici à 2030, et à réduire considérablement les décès et les maladies dus à la pollution atmosphérique, ils ont fait des progrès insuffisants.

« A ce jour, écrit Michel Forst, les gouvernements continuent de prendre des décisions qui vont à l’encontre des recommandations claires et urgentes des scientifiques ».

Une mobilisation légitime

Les citoyens, notamment en Europe, ont « l’impression légitime que les décideurs manquent à leur devoir » et se mobilisent pour défendre leur droit humain, et celui des générations futures, à un environnement propre, sain et durable.

Ils exercent dès lors leurs droits fondamentaux à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association, garantis par le droit international relatif aux droits humains.

Face au sentiment d’urgence, les défenseurs de l’environnement ont de plus en plus recours, en plus d’autres formes d’engagement politique, à des formes de manifestations pacifiques susceptibles de perturber l’espace public, constate le Rapporteur spécial.

Bien que pacifiques, ces formes de manifestation, parfois qualifiées de désobéissance civile, attirent l’attention des médias et sont souvent qualifiées à tort par ceux-ci et par les personnalités politiques « d’antidémocratiques », voire de « violentes ».

« Tout comme ils ont l’obligation de respecter et de garantir le droit de réunion pacifique, les États ont l’obligation de respecter et de protéger le droit d’avoir recours à la désobéissance civile pacifique, qu’elle ait lieu en plein air, à l’intérieur, en ligne ou dans des espaces publics ou privés », estime Michel Forst.

Des réactions disproportionnées, augmentation de la répression

Renforcement des législations contre les manifestations, restriction voire interdiction du droit de réunion pacifique, poursuites judiciaires : les réactions des États au cours des dernières années témoignent d’une nette augmentation de la répression, estime Michel Forst.

Il note que dans plusieurs pays européens les militants sont harcelés, ainsi que les journalistes qui couvrent leurs actions ; il rapporte de nombreux cas de brutalités policières et d’abus de pouvoir, de maltraitance pendant des gardes à vue, une augmentation du nombre de poursuites et des inculpations. Il cite également plusieurs cas de criminalisation des mouvements environnementaux.

On peut rappeler qu’en mai dernier, en France, suite à des incidents autour de la question des méga bassines, plusieurs experts indépendants, s’étaient inquiétés des « allégations de répression des manifestations et de la criminalisation des organisations de défense des droits humains et de l’environnement ».

«  Nous sommes sur une pente très glissante quand on commence à criminaliser certains mouvements de contestations écologistes », avait déclaré un juin, François Gemenne, l’un des principaux Co-auteur du rapport du GIEC, lors d’un entretien avec ONU Genève.

Selon Michel Forst, les tribunaux ont également contribué de manière significative à la répression des défenseurs de l’environnement par le biais de la détention provisoire et de conditions lourdes de mise en liberté sous caution.

Pour lui, les États créent un climat de peur et d’intimidation pour les défenseurs de l’environnement, en violation de leurs obligations internationales.

S’attaquer aux causes de cette mobilisation : agir pour le climat

Michel Forst termine son article par une série de recommandation.

  • En priorité « les États doivent s’attaquer aux causes profondes des mobilisations environnementales».
  • Ensuite, « les États doivent prendre des mesures immédiates pour contrer les récits qui présentent les défenseurs de l’environnement et leurs mouvements comme des criminels ».
  • Les États ne doivent pas utiliser l’augmentation du recours à la désobéissance civile environnementale comme prétexte pour restreindre l’espace civique et l’exercice des libertés fondamentales.
  • Les États doivent respecter leurs obligations internationales en matière de liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association dans leur gestion des manifestations et de la désobéissance civile environnementales, et cesser immédiatement d’utiliser des mesures conçues pour lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée à l’encontre des défenseurs de l’environnement.
  • Enfin, les États doivent veiller à ce que l’approche des tribunaux à l’égard des manifestations perturbatrices, y compris les peines imposées, ne contribue pas à restreindre l’espace civique.

 

Le Rapporteur des Nations Unies sur les défenseurs de l’environnement a pour mandat de s’assurer du respect de la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, dite Convention d’Aarhus, adoptée en 1998.

 

 

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