Nouveau directeur de l’UNICEF à Bruxelles, le Belge Geert Cappelaere nous parle de son parcours professionnel, marqué par les horreurs qu’il a vues dans les conflits à travers le monde, mais aussi par l‘exceptionnelle résilience des enfants.
Geert Cappelaere a commencé son travail sur les droits de l’enfant à l’université de Gand dont il est diplomé, avant de rejoindre en 1999 l’UNICEF qu’il n’a plus quitté.
« Dans les pays où j’ai vécu et travaillé au cours de ma carrière à l’UNICEF ces 20-25 dernières années, j’ai vu les pires choses qu’un être humain puisse faire », raconte Geert Cappelaere qui a vécu entre autres au Yémen, au Soudan et en Sierra Leone, et a visité de nombreux pays en guerre.
« Cela m’a marqué, mais ce qui m’a encore plus marqué, c’est la résilience des enfants, leur vision de l’avenir et leur capacité à chercher des solutions. »
Quel est votre parcours universitaire et comment a-t-il influencé votre carrière ?
J’ai commencé mes études universitaires par un diplôme d’enseignant, suivi de deux masters : en criminologie et en droits de l’homme. J’étais motivé par le souci d’aider les plus vulnérables de la société et le sentiment que les enfants avaient besoin d’une voix plus forte, où qu’ils soient dans le monde.
Je suis très heureux d’avoir terminé mon parcours par un master en droit, car cela m’a permis d’utiliser le droit comme un outil pour améliorer la situation des personnes vulnérables dans la société.
Comment votre carrière antérieure vous a-t-elle préparé à ce poste de directeur de l’UNICEF à Bruxelles ?
Au milieu des années 80, le gouvernement belge m’a demandé si je voulais participer à la rédaction de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant. Cela avait déjà commencé en 1979, mais le processus intergouvernemental s’est accéléré vers 1985. La Belgique voulait jouer un rôle dans le projet et j’ai accepté la proposition.
Dans notre équipe, il y avait environ six experts en droits de l’enfant. C’était assez multilatéral avec de très bons collègues des Européens, des Latino-américains et un Africain, qui sont devenus des amis pour la vie.
La Convention ayant été rapidement adoptée et ratifiée par un certain nombre de pays, on nous a demandé de voyager dans le monde entier pour convaincre encore plus de pays. J’ai eu l’impression que le fait de voyager affectait ma carrière universitaire et par conséquence je voulais retourner à l’université.
Cependant, la Directrice générale de l’UNICEF de l’époque m’a demandé de les rejoindre, et j’ai accepté, à condition que ce soit limité à un an. Après cette première année à New York, on m’a demandé de travailler en Europe centrale et orientale sur les droits de l’enfant avec la Banque mondiale et l’UNICEF. J’ai réalisé qu’avec la bonne approche, l’ONU pouvait faire une énorme différence. A ce moment-là , j’ai décidé de rester et j’y suis toujours.
Qu’est-ce qui vous a le plus impressionné pendant votre carrière ?
La résilience des enfants. C’est une qualité que les enfants ont et que nous semblons perdre en tant qu’adultes. Les adultes se plaignent des problèmes, alors que les enfants sont enthousiastes à l’idée de trouver des solutions.
Je pense par exemple à une réunion de deux heures à Alep, dans le nord de la Syrie, avec un groupe d’enfants qui étaient sortis meurtris de la guerre, avaient perdu des membres, étaient paralysés, etc. L’objectif était d’écouter leurs histoires. Le point commun de tous ces enfants était qu’ils ne voulaient pas passer trop de temps sur leurs souffrances passées, mais surtout qu’ils voulaient partager avec moi leurs ambitions dans la vie, ce qu’ils voulaient devenir plus tard.
Quelles seront vos priorités en tant que « Directeur du bureau en charge des partenariats publics de l’UNICEF à Bruxelles » ?
J’ai comme mission de travailler avec mon équipe, les agences des Nations Unies et d’autres partenaires afin de renforcer davantage le partenariat avec l’Europe : de la mobilisation de fonds aux partenariats publics-privés, en passant par l’apport de connaissances programmatiques et de notre expertise.
L’objectif est de créer une « équipe Europe » où les différentes parties, les institutions, les États membres, les banques d’investissement, les banques de développement travaillent ensemble, parce qu’une telle équipe peut faire progresser le développement durable, l’agenda humanitaire et les droits de l’homme dans l’intérêt des pays les moins développés et des personnes les plus vulnérables.
Quels seront les principaux défis de votre nouveau poste ?
Le contexte politique qui devient plus conservateur. Et aussi, la solidarité en déclin. COVAX est un bon exemple, nous sommes 78% à être vaccinés, alors que dans les pays les moins développés, ce taux n’est que de 2%. C’est inacceptable par rapport aux pays les moins développés, mais aussi parce que le virus continuera à nous tourmenter.
La réticence à redéfinir l’aide publique au développement (APD) est une autre question délicate. Comment faire en sorte que les fonds publics restent disponibles et augmentent pour que nous puissions continuer à soutenir l’agenda de développement et humanitaire ? Et comment pouvons-nous exploiter le financement privé pour réaliser ces programmes ?
Ce sont des défis que nous partageons probablement tous et que nous devons surmonter ensemble.
Quel rôle les enfants/jeunes peuvent-ils jouer pour un avenir où leurs droits sont garantis ?
Ce ne sont pas les vieux comme moi qui vont changer le monde. C’est l’énergie et la nouvelle pensée des enfants et des jeunes que nous devons stimuler et auxquelles nous devons donner des opportunités. Nous, l’ancienne génération, devons créer le contexte pour maximiser cette énergie et ce dévouement.
Pour cela, il faut investir, par exemple, dans une éducation de qualité – avec le meilleur salaire possible pour les enseignants, dans les soins de santé pour les enfants, dans le soutien à la parentalité.
Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez réaliser dans votre carrière ?
Je n’ai pas besoin de briller, je veux que mon rôle soit en arrière-plan et je veux donner aux jeunes l’espace nécessaire pour participer à une organisation comme l’UNICEF et donner le meilleur d’eux-mêmes. Je veux être là pour les soutenir et leur servir de caisse de résonance.
Quel conseil donneriez-vous aux jeunes qui veulent travailler à l’ONU ?
Venez travailler avec nous ! Je crois fermement en un système multilatéral si nous voulons un monde durable plus équitable, peut-être un système multilatéral organisé différemment.
Ne vous laissez pas décourager par les failles du système, mais sentez-vous encouragés à apporter les changements que nous n’avons pas encore pu faire.
Nous avons besoin de jeunes du monde entier. Retrouvons ce qui nous unit, et non ce qui nous divise.