Le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a invoqué mercredi 6 décembre l’article 99 de la Charte des Nations Unies, marquant ainsi une première dans l’histoire de son mandat.
Il appelle, dans une lettre officielle, les membres du Conseil de sécurité sur l’effondrement du système humanitaire à Gaza, l’impossibilité d’acheminer de l’aide et leur demande de faire pression en faveur d’un cessez-le-feu humanitaire.
Parmi les cinq articles de la Charte des Nations Unies qui attribuent des fonctions au Secrétaire général, l’article 99 se distingue comme le pilier essentiel lorsqu’il s’agit de traiter des menaces potentielles à la paix et la sécurité, telles que le conflit israélo-palestinien actuel.
Initier un débat au sein du Conseil de sécurité
L’ancien Secrétaire général, Dag Hammarskjöld (1953-1961) insistait sur le caractère singulier de l’article 99, car il implique que le Secrétaire général passe du statut d’un fonctionnaire purement administratif en un fonctionnaire doté d’une responsabilité politique explicite ».
« La responsabilité que la Charte confère au Secrétaire général exigera l’exercice des plus hautes qualités de jugement politique, de tact et d’intégrité », indique le rapport de la commission préparatoire de l’ONU.
Rarement invoqué
L’article 99 est rarement invoqué, et encore moins souvent de manière explicite. La première fois que l’invocation implicite de l’article 99 a conduit à une action immédiate du Conseil a été suite à la lettre de Hammarskjöld du 13 juillet 1960 demandant une réunion urgente du Conseil de sécurité sur le Congo, actuelle République démocratique du Congo.
Bien qu’il ne se soit pas référé spécifiquement à l’article 99, le Secrétaire général en a utilisé les termes lorsqu’il a déclaré : « Je dois porter à l’attention du Conseil de sécurité une question qui, à mon avis, peut menacer le maintien de la paix et de la sécurité internationales ». À l’issue de cette réunion, le Conseil a autorisé le lendemain le déploiement d’une opération militaire des Nations Unies pour aider le gouvernement congolais à contrer la rébellion Katangaise.
Prévention des conflits
La nécessité d’une alerte rapide en cas de crise internationale est un défi perpétuel pour le Conseil de sécurité.
En 1985, lors d’une réunion sur la responsabilité du Conseil de sécurité en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales, le Secrétaire général Javier Pérez de Cuellar (1982 – 1991) soulignait déjà que « les crises étant souvent portées à la connaissance du Conseil trop tard pour qu’il puisse prendre des mesures préventives, il semble logique que le Conseil établisse une procédure de surveillance continue du monde afin de détecter les causes de tension naissantes ».
Le Secrétaire général Boutros Boutros-Ghali (1992 – 1996) a élaboré l’Agenda pour la paix, préconisant des processus de diplomatie préventive et un recours à l’établissement des faits « par le Secrétaire général pour lui permettre de s’acquitter des responsabilités qui lui incombent en vertu de la Charte, notamment de l’article 99 ».
L’échec de la diplomatie préventive
Bien que la prévention soit souvent un objectif du Conseil de sécurité, elle a été difficile à mettre en œuvre dans la pratique. L’absence de capacité d’alerte rapide, d’analyse des risques et de collecte d’informations a été pointée du doigt, notamment lorsque les Nations Unies n’ont pas réagi au génocide au Rwanda et à Srebrenica en 1994 et 1995.
En 2012, alors que la crise sri-lankaise se développait, l’ONU et le Conseil de sécurité ont de nouveau été critiqués pour ne pas avoir réagi de manière adéquate. Malgré une information informelle au Conseil par le Secrétaire général sur le Sri Lanka, l’absence d’utilisation formelle de l’article 99 a été soulignée, une étape qui aurait pu élever la situation à l’ordre du jour du Conseil de sécurité.
Faire appel plus souvent à l’article 99
Un examen interne de la gestion de la situation par les Nations Unies a souligné que l’absence d’alerte rapide formelle et claire constituait une leçon importante. Le rapport indiquait également que « le Secrétaire général devrait faire un usage plus régulier et plus explicite de son pouvoir de convoquer le Conseil de sécurité en vertu de l’article 99 de la Charte ».
Première utilisation formelle de l’article 99
Jamais auparavant, António Guterres n’avait utilisé cet article. Il avait lancé en 2017 un appel à un effort concerté pour éviter une nouvelle escalade de la crise des réfugiés rohingyas dans l’État de Rakhine. Bien qu’il n’ait pas invoqué explicitement l’article 99, il a choisi de porter la situation à l’attention du Conseil, soulignant la nécessité « d’insister sur la retenue et le calme afin d’éviter une catastrophe humanitaire ». Cela a donné lieu à la première séance d’information publique sur le Myanmar depuis 2009, au cours de laquelle le Secrétaire général a évoqué les mesures immédiates à prendre.
Source : Conseil de sécurité