Vingt-cinq ans après la conférence de Pékin (Beijing), les femmes sont encore et toujours victimes de harcèlement. En Belgique et en France, l’arsenal juridique a été renforcé et des initiatives se multiplient pour lutter contre les agressions de rues.
En 2019, 92 % des jeunes femmes belges ont été victimes de harcèlement sexiste, selon une étude de Plan International. En 2018, 81 % des Françaises déclarent dans un sondage IFOP avoir subi au cours de leur vie au moins une forme d’atteinte ou d’agression sexuelle dans la rue ou les transports en commun. En France, 40 % de femmes déclarent avoir renoncé à fréquenter certains lieux publics pour ne pas avoir à subir d’attitudes sexistes.
Parmi les mesures adoptées il y a 25 ans dans la Déclaration et du Programme d’action de Beijing (1995), les pays s’étaient pourtant engagés à prévenir et éliminer la violence à l’égard des femmes.
« Ce projet historique a articulé une vision d’égalité des droits, de liberté et d’opportunités pour les femmes – dans le monde entier, quelles que soient leurs circonstances, » souligne Dagmar Schumacher, Directrice du bureau d’ONU Femmes à Bruxelles, qui ajoute que cet anniversaire est l’occasion de changer de cap. « C’est le moment de réinitialiser nos engagements. En ce 25e anniversaire, nous devons repousser les limites et forger de nouvelles alliances. Nous devons saisir l’opportunité de faire de l’égalité des sexes une réalité. »
Comment les filles et les femmes peuvent-elles se réapproprier l’espace public et dénoncer le harcèlement de rue qu’elles subissent ? Plusieurs associations en Belgique et en France se sont emparées du problème pour mettre un terme à ce fléau de la société, notamment par des actions de prévention et le développement de technologies.
Le harcèlement de rue, un fléau au féminin
Plan International, une ONG qui défend les droits de l’enfant et l’égalité pour les filles dans 70 pays, estime que neuf filles sur dix et un garçon sur quatre ont déjà été victimes de harcèlement de rue en Belgique.
Les sifflements, regards insistants ou insultes se sont banalisés et certaines femmes ne les relèvent même plus. Or, le harcèlement est insidieux et ne se limite pas à ses formes les plus graves, telles que les attouchements non voulus ou le viol. Seules 6 % des victimes vont déposer plainte.
Le harcèlement dans l’espace public est puni en Belgique par la loi du 22 mai 2014. L’agresseur encourt un an d’emprisonnement et entre 50 et 1000 euros d’amende. |
BruxELLES : la photo comme arme de dénonciation
BruxELLES, c’est un projet pilote de Plan International Belgique porté par 14 jeunes bruxellois qui pendant deux ans « ont exprimé leur ressenti, leurs émotions et leur vécu à travers la photographie, » explique Magali Lowies, Coordinatrice jeunesse au sein de l’association.
« C’est tellement rare d’écouter notre avis (…) Il y a énormément de violence sexiste à Bruxelles, et nous, les jeunes, on a des solutions à proposer » témoigne Juliette, 15 ans, une des photographes du projet.
© Plan International Belgique | Natanael
La société de transports en commun bruxelloise, la STIB, leur a donné carte blanche pour diffuser leur campagne de sensibilisation contre le harcèlement sur le réseau. Les jeunes ont également été invités à participer au SDG Global Festival of Action qui a lieu à Bonn chaque année.
En avril 2019, deux participants du projet ont été amenés à présenter leur travail à titre d’experts au Parlement bruxellois. « Ça cassait tous les codes habituels, » se félicite Magali Lowies. Leur démarche a abouti à une résolution adoptée à l’unanimité.
Safer Cities : une plateforme de signalement (inter)nationale
Créée en 2019, Safer Cities est une plateforme de Plan International qui permet aux personnes d’accéder en ligne à une carte des villes de Bruxelles, Anvers et Charleroi où elles signalent anonymement par une épingle verte les endroits où elles se sentent en sécurité (initiatives locales contre le harcèlement, attitude des passants) et par une épingle rouge une situation de harcèlement dont elles ont été victimes ou témoins.
Plan International espère voir la plateforme, qui est soutenue par les villes partenaires, s’étendre dans d’autres villes de l’Union européenne.
En France, le défi des applications de soutien
« App-Elles », « Street Alert, ou encore « The Sorority », les applications de signalement se sont multipliées dès 2015 en France. On trouve également des applis de co-piétonnage comme « Monshérif » ou « MonChaperon ». Enfin, « Garde ton corps » offre une dernière alternative via des bars et restaurants partenaires qui s’engagent à accueillir les victimes de harcèlement ou d’agressions et de violences.
Malheureusement, ces initiatives numériques ont également leurs limites. L’application « HandsAway » a ainsi été victime d’une campagne de cyberharcèlement cette année.
La loi française punit depuis 2019 l’outrage sexiste à hauteur de 750 à 1500 euros d’amende en cas de circonstances aggravantes. |
Comment réagir face au harcèlement ?
En général, le harcèlement de rue a lieu soit dans des lieux bondés (cafés, bars, transports en commun), soit dans des lieux déserts. Si les applications permettent de trouver du soutien et de signaler le danger, comment réagir sur le moment ?
En tant que victime :
- Interpeller les passants, demander leur aide.
En tant que témoin :
- Signaler l’inconfort de la victime à l’agresseur.
- S’interposer physiquement pour offrir une échappatoire à la victime.
- Faire semblant de connaître la victime pour détourner l’attention.
Magali Lowies rappelle cependant à chacun d’agir « dans le respect de sa propre sécurité », de ne pas aggraver la situation pour la victime, et de garder son téléphone à portée de main pour appeler la police si les choses s’enveniment.
« L’égalité de genre, ça se construit ensemble » conclut Magali Lowies.
Si vous êtes victime ou témoin de harcèlement sexuel, de nombreux numéros sont là pour vous aider :
En France :
- Police par téléphone : 17
- Police par SMS : 114
- Conseils et soutiens sur http://www.stopharcelementderue.org/
En Belgique :
- Police par téléphone : 101
- Awel par téléphone, e-mail ou chat (awel.be) ou via le 102
- En cas de violences sexuelles, contactez un centre de soins via violencessexuelles.be, au 02/535.45.42 ou via CPVS@stpierre.bru.be (pour Bruxelles).
Dans l’Union européenne :
- Un seul numéro d’urgence : le 112
Voir aussi : https://unric.org/fr/salaire-egal/