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De UNRIC à l’Ukraine : s’engager pour un monde plus solidaire

Ancien stagiaire à UNRIC en 2021, Guillaume Banos rejoint l’Ukraine en mars 2022 pour aider la population locale. Il nous parle de son expérience de volontariat, d’abord à proximité de la frontière polonaise puis maintenant à Lviv dans l’Ouest de l’Ukraine.

Pourquoi cette décision de partir en Ukraine ?

J’avais vraiment envie d’aller sur le terrain. Que ce soit à travers mes différents engagements associatifs auprès d’Amnesty International et des Jeunes européens fédéralistes ou à travers mon stage à UNRIC, j’ai toujours eu accès à pleins d’informations, de rapports ou de témoignages de ce qu’était réellement le terrain. J’avais envie de voir par moi même. J’étais déjà allé au Népal pour aider les victimes du tremblement de terre.  Un an après le drame, les populations avaient encore besoin d’aide. Avec la guerre en Ukraine, si près de chez nous, j’ai su que c’était le moment de repartir.

Comment s’est passée ton arrivée sur place ?

Je suis arrivé à la frontière entre la Pologne et l’Ukraine le 17 mars où j’ai rejoint une première association composée de secouristes et infirmiers français. Les besoins à la frontière n’étaient pas seulement liés au premier secours mais à la distribution de produits de première nécessité. Cette association est rapidement partie et j’ai alors rejoint Convoi de la solidarité au principal point de passage des réfugiés ukrainiens, entre Medyka en Pologne et Shehyni en Ukraine.

Fin mars, les gens qui passaient la frontière en voiture devaient attendre plusieurs jours, à pied, le passage était plus rapide, une dizaine d’heure. La plupart des Ukrainiens passaient donc la frontière à pied, avec très peu de bagages. Honnêtement, les conditions étaient difficiles, il faisait froid, il y avait du vent et de la pluie et le flux de réfugiés était très important. Je faisais toute la journée l’aller-retour entre la Pologne et l’Ukraine en passant par le no man’s land entre les deux d’environ 300 mètres. 

Du côté ukrainien, il y avait très peu d’installations, un accès à l’eau et à de la nourriture, mais pas d’abris. Le HCR a installé des abris semi temporaires pour améliorer les conditions de passages des réfugiés. Une fois la Pologne atteinte, les Ukrainiens étaient soulagés, ils pouvaient manger gratuitement mais difficilement dormir. Il y avait par contre beaucoup d’ONG, dont la Croix-Rouge, le Croissant Rouge ou World Central Kitchen mais aussi des agences des Nations Unies, l´Organisation internationale pour les migrations (OIM), le HCR, l’UNICEF etc.

C’était un véritable périple pour rejoindre le centre humanitaire installé dans un ancien centre commercial. Au plus fort de la crise, il y a eu jusqu’à 3000 lits. Il y avait notamment des psychologues, des médecins et des gynécologues (85 à 90% des réfugiés étaient des femmes, parfois avec des enfants). A l’heure actuelle il y a beaucoup moins de passage. Il y a presque deux fois plus de retours que de départs.

Photo Guillaume Banos

Tu es toujours à la frontière ?

Non, j’ai rejoins une nouvelle organisation qui s’appelle TEAM4UA. Actuellement je suis à Lviv dans l’Ouest de l’Ukraine. Nous avons ouvert un centre d’information pour donner des conseils avant le départ. Les réfugiés n’ont que 90 jours de visa temporaires et ils doivent rapidement s’enregistrer mais c’est bien souvent compliqué pour eux de faire les démarches. L’objectif est de les aider en amont à Lviv pour qu’ils puissent organiser leurs départs. Nous sommes relativement en sécurité ici avec « seulement » deux bombardements par semaine environ. La grande majorité des bombardements de la ville étaient là où nous avions notre centre d’information, près de la gare. Nous avons donc dû nous relocaliser vers le centre ville.

Heureusement, depuis notre arrivée nous sommes très proches de la municipalité qui nous aide beaucoup et notre présence permet de centraliser l’information. Il y a 780 000 réfugiés dans l’Ouest de l’Ukraine dont ⅔ dans l’Oblast de Lviv. Depuis la guerre, plus de 400 abris ont été créés en ville et autour, dans des écoles, des universités, ou des gymnases. La ville s’organise et commence à mettre en place des systèmes de préfabriqués mais il est important de pouvoir centraliser l’information. L’objectif serait de rendre possible l’ouverture des écoles pour septembre mais cela risque d’être compliqué, les écoles étant encore réquisitionnées comme abris. En parallèle, notre activité principale reste l’envoi d’aide humanitaire. Grâce à notre réseau logistique et nos partenaires nous avons envoyé presque 4000 tonnes de produits, en majorité de la nourriture. Pour continuer, nous faisons en sorte d’être partenaire avec UNICEF et le Programme alimentaire mondial (PAM). Grâce à eux nous serons capables de distribuer prochainement des kits alimentaires et d’hygiène.

Quels sont les futurs projets de l’association TEAM4UA ?

Nous avons beaucoup de projets et surtout ils sont très diversifiés ! On essaye de mettre en place des missions éducatives, des activités pour les enfants car ils sont livrés à eux-mêmes. Nous voudrions aussi équiper des maisons médicales avec la municipalité pour aider les femmes enceintes et les victimes de viols qui sont nombreuses pendant le conflit. Les procès pour crimes de guerre commencent en Ukraine, il y en aura beaucoup et risquent de durer longtemps, nous souhaitons créer un centre de référence pour conseiller juridiquement les victimes.  

Enfin, notre plus gros projet concerne les logements. Pour cela nous souhaitons imprimer des logements en 3D. De nombreux partenaires locaux mais aussi des leaders du marché vont être impliqués et nous travaillons avec les autorités régionales pour trouver des terrains. A court terme nous aimerions avoir notre projet pilote qui serait l’impression d’une école ainsi que d’un centre d’hébergement temporaire. Nous avons déjà plusieurs choix de terrain à disposition et l’impression devrait prendre un mois pour un coût bien inférieur à une construction classique.  L’objectif serait d’atteindre 1000 logements pour l’année qui suit. Pour cela nous aurons besoin d’un maximum d’imprimantes que nous allons obtenir grâce à des levées de fonds et des partenariats.

Nous sommes en contact continu avec le bureau Ukraine du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) qui nous aide également. L’Ukraine ne peut attendre la fin de la guerre pour se reconstruire et notre but est d’aller au-delà de l’est de l’Ukraine et reconstruire des villes comme Irpin ou Butcha. Avec le PNUD,, nous aimerions recycler les matériaux détruits pour les reconstructions. Nous commençons déjà à travailler avec des architectes et ingénieurs ukrainiens spécialisés. Le système est grippé mais il ne manque pas grand-chose pour relancer la machine. Nous envisageons de construire des entrepôts pour les agences onusiennes tels que le Programme alimentaire mondial (PAM).

A titre personnel, quelles sont les difficultés que tu as rencontrées ?

En tant que volontaire, nous avons des conditions correctes mais celà reste compliqué évidemment ce n’est pas le luxe. Au poste frontière, on dormait dans des tentes. Après plus de trois mois de conflits, les ONG sont mieux organisées. Cependant on constate une diminution des aides humanitaires, le grand mouvement de solidarité des débuts s’essouffle. Pourtant les besoins sont toujours là et la guerre est partie pour durer.

Pour les volontaires comme moi, c’est un peu difficile de rester sur place plusieurs semaines ou mois car on met sa vie personnelle entre parenthèses. Être à Lviv c’est aussi psychologiquement difficile. Les volontaires, surtout ceux qui ne sont pas rémunérés, ne peuvent pas rester éternellement.. 

Tu as vécu des moments marquants ici ?

Je ne suis pas Ukrainien, je n’ai pas de famille ici donc moins de stress que certains de mes collègues, mais deux moments m’ont marqué.  Une fois, un bombardement a touché le quartier de la gare où sont nos locaux. Je n’y étais pas à ce moment-là, mais j’ai vécu la peur de ce qui pouvait arriver à mes collègues sur place. 

Mais je me souviendrais toujours de cette femme avec son enfant, au poste frontière. Ils venaient de Marioupol, ils descendaient des bus du premier corridor humanitaire. Voir ces gens marqués par la guerre qui attendaient en file indienne dans un silence absolu, c’était quelque chose de fort. Voir ces femmes et ces enfants attendre en pleine nuit dans le froid et sous la pluie après avoir vécu l’enfer, ça marque pour toujours. 

Dans les premières semaines de la guerre, des centres d’accueil provisoires ont été organisés pour aider les réfugiés à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne

Photo Guillaume Banos

Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui souhaite aider les Ukrainiens, sur place notamment ?

Il y a un principe humanitaire, qui guide l’ONU et les ONG : Do not harm. (Ne pas nuire). L’enfer est pavé de bonnes intentions. A titre d’exemple à la frontière polonaise je faisais les allers-retours entre côté ukrainien et côté polonais pour aider les personnes qui attendaient à la frontière. Nous devions aussi surveiller comme toutes les ONG la lutte contre le trafic d’être humains qui faisait des ravages. Au début nous n’étions pas beaucoup d’humanitaires puis très rapidement nous étions beaucoup trop présents. Il y avait autant d’humanitaires que de réfugiés et nous faisions perdre du temps aux Ukrainiens qui avaient besoin de tout sauf ça. 

Idéalement donc il faut contacter en avance des associations qui recherchent des profils très variés; cela peut être dans la communication, dans l’information, la logistique ou tout simplement la distribution de repas. C’est important de pouvoir se rapprocher le plus en avance possible d’une association avant d’être sur place. Parler l’ukrainien ou le russe est bien sûr un atout. 

Pour aider ton association ?

Il y a la possibilité de faire des donations sur notre site. Le plus important reste néanmoins la visibilité, ce conflit risque de s’éterniser et nous devons donc continuer à parler des besoins des Ukrainiens et de la façon dont on peut les aider. Il y a également la possibilité de devenir volontaire.

Plus information

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