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De la migration dépend la « survie » de l’Europe, Volker Türk

« Les droits de l’homme ont évolué à travers plusieurs révolutions, en France, aux Etats-Unis et en Haïti. Le monde a traversé deux guerres mondiales, une terrible dépression, un génocide, l’Holocauste, puis adopté en 1948 la Déclaration des droits de l’homme, le texte le plus traduit du monde ».

Volker Türk, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a fait sa première visite officielle à Bruxelles à l’occasion du 75e anniversaire de la Déclaration des droits de l’homme. Le 19 juillet 2023, lors d’une session de questions-réponses donnée à l’Hôtel de Ville de Bruxelles, il a abordé plusieurs thématiques liées à la situation en Europe, dont l’inflation et la migration.

Le Haut-Commissaire a rappelé que la hausse des prix connue depuis 2021 à travers le continent peut s’avérer plus grave ailleurs. « Les plus vulnérables dans le Sud global ont traversé l’inflation et l’absence de touristes pendant deux ans durant la pandémie, sans savoir parfois comment joindre les deux bouts. Le système financier international n’a pas suffisamment répondu à leurs besoins. C’est une grande leçon de la pandémie de Covid-19 : nous devons protéger les droits économiques et sociaux, et montrer plus de solidarité ».

« Revenir à la rationalité » sur la migration

Sur la migration, il est revenu sur la crise de 2015, marquée par l’afflux de Syriens et d’Afghans en Europe, et le fait que l’Europe a accueilli ces derniers mois 4 millions de réfugiés ukrainiens. Il a rappelé, afin de relativiser, qu’à la fin de la Seconde guerre mondiale, 60 millions de personnes en Europe étaient soit déplacées, soit réfugiées.

« Dans le discours politique, le sujet est devenu polarisé et binaire. La dimension globale de la solidarité et des droits de l’homme doit être prise en compte ». En outre, la population vieillit en Europe, a fait observer Volker Türk.

« La plupart des infirmières, dans l’hôpital que fréquentent mes parents en Allemagne, viennent de la migration. La plupart des personnes qui travaillent dans les soins aux personnes viennent de la migration, et elles ne sont pas assez nombreuses, dans ce secteur comme dans d’autres. En Europe, nous allons devoir revenir à la rationalité : nous devons considérer la démographie pour ce qu’elle est, et réaliser qu’il en va de notre intérêt d’avoir une discussion sur la migration, et reconnaître que nous n’allons pas assurer notre propre survie sans elle ».

Gestion de l’information fondée sur les droits de l’homme

Le phénomène de l’extrémisme nécessite par ailleurs une analyse profonde selon Volker Türk. « Il est lié à la peur, l’impossibilité de faire face à la complexité du monde, et au fait que les réseaux sociaux incitent aujourd’hui les individus à se croire appartenir à un groupe précis. Le fait que nous soyons constamment alimentés par de fausses informations, comme la pandémie de Covid-19 nous l’a montré, s’avère aussi très dangereux ».

Face à l’intelligence artificielle, les leçons doivent être tirées de la gestion des réseaux sociaux, où les enjeux liés aux droits de l’homme et aux mauvais usages des plateformes n’ont été traités que tardivement, et « presque trop tard » selon Volker Türk.

Prendre les bonnes décisions à temps face au changement climatique

Sur les enjeux à venir, le Haut-Commissaire a rappelé l’urgence qu’impose le changement climatique. « Il s’agit de traduire les droits de l’homme en politiques. Il faut aussi tirer les leçons de l’histoire, car l’industrie pétrolière, pendant des décennies, nous a jeté de la poudre aux yeux en affirmant que le changement climatique n’est pas ce qu’il est, et a fait un lobbying massif en faveur de politiques du déni, afin que les responsables politiques ne prennent pas les bonnes décisions beaucoup plus tôt ».

Dans ses réponses aux questions posées par le public, sur des sujets tels que les droits des personnes handicapées ou un racisme et des discriminations systémiques, le Haut-Commissaire a insisté sur ce qui reste un volet négligé des droits de l’homme : l’économie. « Il est temps d’observer la manière dont l’économie sert les gens, et pas seulement les profits. C’est un élément clé de la discussion sur les discriminations et d’où viennent les inégalités ».

Pendant sa visite de deux jours en Belgique, le Haut-Commissaire a également rencontré les autorités européennes et belges.

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