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Conférence des Nations Unies sur l’eau : « Mieux comprendre, valoriser et gérer l’eau »

Du 22 au 24 mars 2023, les Pays-Bas et le Tadjikistan co-organiseront la Conférence des Nations Unies sur l’eau à New York, alors que nous sommes à mi-parcours de la Décennie d’action pour l’eau (2018-2028).

Pour la première fois en 46 ans depuis la première Conférence des Nations Unies sur l’eau  qui s’est déroulée en 1977 à Mar Del Plata, en Argentine, cette conférence a pour objectif de mobiliser les Etats Membres, le système des Nations Unies et les parties prenantes afin d’aborder les grands enjeux autour de l’eau et de prendre des mesures à l’échelle mondiale.

Le sommet sera l’occasion de répondre à « l’urgence de la crise de l’eau, d’une part, et il offrira un espace de collaboration, d’autre part », selon Henk Ovink, Envoyé spécial des Pays-Bas pour l’eau.

Compte tenu des enjeux de la conférence, UNRIC a interviewé Nathalie Olijslager, directrice du programme de la Conférence des Nations Unies sur l’eau et Henk Ovink, Envoyé spécial des Pays-Bas pour l’eau.

 

  1. En tant que pays hôte de la conférence des Nations Unies sur l’eau, quelles sont les priorités des Pays-Bas ?

Nathalie Olijslager (N.O.) : Notre priorité est de sensibiliser le monde, de faire en sorte que tout le monde comprenne, valorise et gère mieux l’eau. Nous avons tous besoin d’eau, mais nous n’avons pas tous accès à l’eau. La population de la planète augmente, et pourtant nous ne réfléchissons pas assez à la quantité d’eau dont nous disposons, à la manière dont nous l’utilisons ou la réutilisons. Les nappes phréatiques se vident plus vite que nous ne pouvons les remplir, l’eau est de plus en plus polluée, ce qui affecte non seulement notre santé, mais aussi l’économie. Nous espérons créer un élan pour montrer que nous devrions nous préoccuper de l’eau et investir dans ce domaine. Comprendre, valoriser et gérer l’eau. Tel est notre slogan.

Henk Ovink (H.O.) : Le défi est de taille. Nous sommes confrontés à un défi mondial en matière d’eau qui ne cesse de s’aggraver. L’augmentation de la population, la croissance économique et une mauvaise gestion, combinées au changement climatique et au déclin de la biodiversité, entraînent la rupture de l’ensemble du cycle hydrologique. La manière dont l’eau est abordée est fragmentée, souvent orientée vers le court terme et le profit, tandis que l’eau devrait être considérée comme un bien commun mondial. Il n’existe pas d’agence, de fonds ou de programme des Nations Unies consacré exclusivement aux questions relatives à l’eau. Notre objectif est donc que toutes les parties prenantes participent à la conférence, qu’il s’agisse des ministres des finances, de l’environnement, de l’agriculture, de l’eau, mais aussi du secteur privé, du secteur financier, de la société civile, des populations indigènes, des femmes, des jeunes, des universitaires, etc. Leurs engagements en faveur du programme d’action sur l’eau doivent être novateurs et viser à modifier radicalement la situation actuelle. Nous devons veiller à ce que l’élan de la conférence se poursuive sur le terrain par des actions concrètes, dans les États membres et au sein du système des Nations Unies.

 

  1. Quels seront les principaux défis liés à l’eau ?

N.O. : Nous avons choisi d’aborder dans cette conférence la question de l’eau à travers cinq thèmes différents, cinq dialogues interactifs. Tout d’abord, l’eau pour la santé : des milliards de personnes n’ont toujours pas accès à l’eau propre ni à des installations sanitaires appropriées. Le plus grand défi est de réaliser l’Objectif de développement durable 6 (ODD 6), pour lequel nous devons multiplier nos efforts par quatre. Deuxièmement, l’eau pour le développement durable. Il est question de la quantité d’eau que nous utilisons pour notre économie et notre production alimentaire. Nous devons faire comprendre que l’eau est aussi le moteur de notre économie. Troisièmement, l’eau pour le climat. Tout le monde connaît les crises liées au changement climatique, mais il faut tout de même continuer à investir à cet égard, car si l’on investit en amont, on sauve des vies et l’on réduit les dommages économiques. C’est ce que nous appelons le financement anticipé. Quatrièmement, l’eau pour la coopération : l’eau est un bien commun mondial. Il est très important d’avoir une bonne coopération et de faire prendre conscience aux pays que nous dépendons tous de l’eau et que nous sommes interdépendants dans la distribution de l’eau en quantité suffisante et de haute qualité. Enfin, la Décennie d’action pour l’eau. Nous abordons la seconde moitié de la décennie, mais aussi les mécanismes que les Nations Unies ont déjà mis en place : il existe une Conférence des Parties (COP) sur le changement climatique, une COP sur la biodiversité et bientôt le Sommet de l’avenir. Comment ce programme d’action sur l’eau peut être mis en œuvre dans le cadre des mécanismes existants, de sorte qu’il ne finisse pas dans un tiroir ?

H.O. : Le plus grand défi est le manque de prise de conscience et d’appropriation sociétale et politique, associé à la fragmentation au sein du secteur de l’eau lui-même et d’autres secteurs. Un autre défi substantiel consiste à assurer la sécurité de l’eau pour tous quand elle est absente et ne figure pas à l’ordre du jour. Nous devons nous concentrer sur l’essentiel. Il est impensable qu’en 2023, des milliards de personnes n’aient toujours pas accès à l’eau potable salubre et à des installations d’hygiène et d’assainissement sûres, les femmes et les enfants étant les plus touchés. C’est à ce niveau qu’ un grand pas en avant doit être fait. Le dernier défi est lié à ces deux autres crises majeures que sont la perte de biodiversité et le changement climatique. Dans ce contexte, le coût de l’inaction dépasse le coût de l’action. Si nous ne modifions pas notre approche économique mondiale de l’eau, tout le reste sera ébranlé.

 

  1. Quand est-ce que la conférence sera considérée comme un succès ?

N.O. : Sa réussite dépend réellement du niveau d’ambition du programme d’action sur l’eau et de sa capacité à être mis en œuvre. Il faudra également assurer le suivi des mécanismes et des structures déjà en place, de manière à ce que, dans chaque mécanisme lié à l’eau, les mesures à prendre soient clairement définies.

H.O. : Elle sera un succès lorsqu’il ne s’agira plus d’une conférence sur l’eau réservée aux experts en la matière, mais une conférence sur l’eau dans le contexte du développement durable, où tout le monde agit, du ministre des finances à l’investisseur, en passant par les populations locales, les jeunes et les femmes. Lorsque le programme d’action sur l’eau pourra se vanter d’avoir pris des engagements, y compris ceux qui changent réellement la donne, avec des coalitions de parties qui s’approprient le changement de système. Et quand le suivi sera garanti dans la société, sur le plan institutionnel et politique.

 

  1. Pouvez-vous donner un exemple de coopération pour la conférence ?

N.O. : Nous travaillons avec l’Union européenne (UE), en particulier avec la Commission et les États membres de l’UE, pour qu’ils s’engagent dans le programme d’action sur l’eau. Nous avons eu des discussions autour du Pacte vert et de ce qu’est « le Bleu » dans le Pacte vert. Quels types de nouvelles mesures politiques, de nouveaux régimes de subventions ou d’incitations fiscales l’UE met-elle en place pour mieux traiter l’eau ? L’UE est très importante pour la coopération transfrontalière, car elle dispose de la directive-cadre sur l’eau, un mécanisme qui inclut des critères de qualité de l’eau dans toute l’UE.

H.O. : Le partenariat entre les Pays-Bas et le Tadjikistan : un pays avec des glaciers, où l’on peut boire l’eau directement dans les rivières, sans pour autant pouvoir encore la boire directement au robinet. Le pays dispose d’une gestion de l’eau et d’une politique de l’eau de premier plan, et c’est le Tadjikistan qui amis l’eau à l’ordre du jour mondial : un champion de l’eau de première classe. Et les Pays-Bas, un delta de basse altitude en Europe, mais aussi des îles dans les Caraïbes, où les problèmes liés aux côtes, aux rivières et aux îles se conjuguent à l’urbanisation et à la croissance économique. La coopération entre ces deux pays est le ticket gagnant que nous pouvons offrir au monde : cette coopération n’est pas seulement possible, mais elle génère également une valeur ajoutée, une meilleure compréhension et une formidable action, ainsi qu’un engagement politique et social.

N.O. : Techniquement, nous sommes les deux faces d’une même pièce. Les deux pays réunis, nous faisons face ensemble à tous les défis de l’eau. C’est ce qui fait la force de l’ONU, parce que l’ONU, en fin de compte, c’est tout un système qui repose sur le dialogue et la coopération.

 

  1. Pouvez-vous illustrer par un exemple l’impact de la conférence dans la vie quotidienne ?

N.O. : J’espère que lorsque tous les acteurs présents à la conférence,  y compris les gouvernements des États membres des Nations Unies et les autres parties prenantes, telles que les entreprises, les acteurs non étatiques, les groupes de réflexion, etc., seront conscients des défis à relever, il y aura une répercussion en cascade, et qu’ils voudront mettre en œuvre le programme d’action sur l’eau et faire la différence sur le terrain. Plus de 1100 organisations ont été nouvellement accréditées.

H.O. : Plus de 2 milliards de personnes n’ont toujours pas accès à l’eau potable salubre et près de 4 milliards n’ont pas accès à des installations sanitaires sûres. Cela constitue un énorme facteur d’inégalité dans le monde. La conférence devra s’engager sur cette mission spécifique en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène (WASH). En même temps, la conférence devra avoir également un impact sur les océans, la sécurité alimentaire, l’agenda climatique, les droits de l’homme, la coopération transfrontalière, qui sont tous couverts par les cinq différents dialogues interactifs. Et la conférence doit inspirer et influencer l’agenda politique.

 

  1. Comment le programme d’action sur l’eau sera-t-il suivi ?

N.O. : Il y a différentes façons d’assurer le suivi, mais il faut que tous les pays s’accordent sur ce point. En juillet, il y aura le Forum politique de haut niveau pour le développement durable (FPHN) autour de l’ODD 6 et nous espérons bien sûr que, si la dynamique est créée, entre la conférence et le FPHN, peut-être que plus de pays voudront soutenir le programme d’action sur l’eau, voudront le mettre en œuvre au sein des mécanismes existants ou trouveront d’autres moyens de le mettre en œuvre de manière plus poussée.

H.O. : Nous voulons que les résultats de la conférence conduisent à la sauvegarde de l’eau dans chaque point de l’ordre du jour de la conférence : dans l’alimentation, la biodiversité, la santé, l’énergie, le climat. Nous voulons qu’il soit inscrit à l’ordre du jour du Sommet sur les ODD et du Sommet de l’avenir. La conférence est le début, pas la fin. L’eau doit avoir une place dans la société, dans nos cœurs et nos esprits, et dans la prise de décision des gouvernements et des entreprises. L’ONU doit assurer une place à l’eau dans son organisation et dans les mécanismes politiques disponibles, et les États membres doivent assurer un suivi politique. Le programme d’action sur l’eau est un moyen, et non une fin, qui peut y contribuer. En même temps, c’est le catalyseur de la mise en œuvre, de la mise à l’échelle et de la reproduction pour nous aider à changer de cap, maintenant, car nous n’avons pas de temps à perdre.

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