Lydia, Hélène, Maria, Eman, Mélissa… Ce sont quelques-uns des prénoms des femmes tuées en Belgique par leur partenaire l’an dernier. Dans le monde, 51 100 femmes et filles ont été tuées par leur partenaire ou un membre de la famille en 2023, selon le dernier rapport d’ONU Femmes. Ce rapport a été publié le 25 novembre, à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.
En moyenne, 140 femmes sont tuées chaque jour par un parent ou un partenaire. Le plus grand nombre de ce type de féminicide a été enregistré en Afrique, avec 21 700 victimes en 2023, en Asie (18 500), aux Amériques (8 300) et en Europe (2 300).
Un tiers des femmes de l’UE confrontées à un partenaire violent dans leur vie
En Europe, 64 % des assassinats de femmes sont perpétrés par des partenaires. Bien que l’Europe enregistre le taux de féminicides le plus bas au monde, le rapport d’ONU Femmes montre que ces meurtres impliquant des partenaires intimes ou des membres de la famille ont augmenté de 12 % en Europe de l’Ouest entre 2010 et 2023.
En 2021, 18% des femmes dans l’Union européenne (UE) ont subi des violences physiques ou sexuelles de la part de leur partenaire, selon la dernière étude d’Eurostat, publiée le 25 novembre. Si l’on tient compte de la violence psychologique, 32 % des femmes ont ou ont eu un partenaire violent au cours de leur vie.
Qu’est-ce que la violence domestique ?
La violence domestique, intra-familiale et entre partenaires, reste la plus courante à l’encontre des femmes dans le monde. Les statistiques mettent en évidence une triste réalité : « Le domicile est souvent l’endroit le plus dangereux pour les femmes et les filles », selon ONU Femmes.
« Ce type de violence est enraciné dans des inégalités profondément ancrées, des normes sociales néfastes et des déséquilibres de pouvoir », explique le bureau d’ONU Femmes à Bruxelles. « Les structures patriarcales et les stéréotypes normalisent la violence comme moyen de discipline ou de contrôle, perpétuant ainsi les cycles d’abus ». Dans ce contexte, la Belgique ne fait pas exception.
Annelies Cardon, Coordinatrice d’équipe pour la violence fondée sur le genre à l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes en Belgique, revient sur la définition légale de la violence domestique : « La violence sexuelle, physique, psychologique et économique, le contrôle coercitif, le harcèlement et la violence liée à l’honneur ».
Féminicides en Belgique : absence de données officielles
En Belgique, il n’existe actuellement aucun chiffre officiel concernant les féminicides. Le blog Stop Feminicide, s’appuyant sur des articles de presse et des rapports de police, indique que 26 femmes ont été assassinées en 2023, contre 24 en 2022, et 21 jusqu’à présent en 2024.
Le 29 juin 2023, la Chambre des représentants de Belgique a approuvé à l’unanimité la « Loi sur la prévention et la lutte contre les féminicides, les homicides fondés sur le genre et les violences ». Cette loi introduit une définition légale du féminicide, impose la collecte de données statistiques et renforce la protection des victimes de violences fondées sur le genre.
Dans son sillage , l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes en Belgique a été chargé de compiler et de publier des rapports annuels sur les féminicides. Annelies Cardon décrit la loi comme un « grand pas en avant» et note que « ses effets se font déjà sentir dans les différents projets mis en place ». Une plus grande attention est désormais accordée aux nouvelles formes de violence, telles que le contrôle économique et coercitif.
Marijke Weewauters, Conseillère stratégique principale à l’Institut, évoque une nouvelle initiative en Belgique : une alarme mobile contre le harcèlement qui permet aux victimes de contacter directement la police lorsqu’elles sont en danger.
Les femmes les plus vulnérables sont les plus exposées
Malgré les progrès réalisés, l’Institut reconnaît qu’il est difficile d’atteindre les groupes vulnérables, qui sont les plus exposés à la violence domestique. Selon le bureau d’ONU Femmes à Bruxelles, « les femmes qui subissent des formes multiples et croisées de discrimination courent un risque plus élevé et sont plus vulnérables aux conséquences de la violence. Les femmes handicapées, issues de l’immigration ou disposant de faibles revenus sont particulièrement touchées ».
Une étude d’Eurostat datant de 2021-22 a révélé qu’en Belgique, près d’une femme sur deux (45 %) au chômage, en mauvaise santé ou en difficulté financière avait subi des violences sexuelles de la part d’un partenaire.
Stopper la violence avant qu’elle ne se produise
L’Institut se concentre principalement sur la prévention « lorsqu’il y a déjà une victime », déclare Annelies Cardon, soulignant le défi de la prévention initiale, avant que toute forme de violence ne se produise. « Si nous n’investissons pour améliorer les choses qu’une fois qu’elles ont empiré, alors, en tant que société, nous avons accepté que la violence existe avec tous ses coûts pour les victimes, les familles, la société tout entière », déclare Irene Zeilinger, Responsable des affaires internationales pour Garance, une association basée à Bruxelles qui se consacre exclusivement à la “prévention primaire”.
Garance organise des ateliers pour les femmes issues de communautés vulnérables, axés sur l’autodéfense et les stratégies de sécurité. Irene Zeilinger explique que les participantes qui ont vu leurs limites personnelles transgressées ne s’en rendent souvent compte qu’après coup. En apprenant aux participantes à identifier rapidement les comportements manipulateurs ou coercitifs, ces ateliers peuvent prévenir la violence domestique avant qu’elle ne s’aggrave.
De telle sorte que ce qui est arrivé à Lydia, Godelieve, Laurence ou Ingrid, d’autres victimes en Belgique, ne se reproduise plus jamais.
LIENS UTILES
- Violences faites aux femmes : les efforts tardent à porter leurs fruits
- Violence à l’égard des femmes : l’ONU lance seize jours de mobilisation contre cette pandémie mondiale
- L’alarme mobile anti-rapprochement
TROUVER DE L’AIDE
- 1712: Ce numéro gratuit et confidentiel est disponible de 9 à 18 heures en néerlandais et en anglais, pour soutenir les victimes de tout type de violence.
- 0800 30 030: « Écoute Violences Conjugales » est un numéro gratuit destiné à aider les victimes en français, en protégeant leur anonymat.